GHOSTPOET

A 34 ans, Ghostpoet est un artiste reconnu. Diplômé de l’Université de Coventry, il ne pensait pas un jour vivre de sa musique. Il se dit heureux, tout simplement. On pense parfois que l’art naît de la douleur, que c’est dans la souffrance qu’on puise l’inspiration. Pas de cela chez l’Anglais. Et au vu de l’oppressante – mais sublime – densité de sa musique, c’est une bonne chose. On se demande bien ce qu’il enregistrerait s’il broyait du noir.

Si le Britannique aux origines nigérianes et dominicaines a choisi de s’appeler Ghostpoet, c’est parce qu’à ses débuts il voulait éviter d’être justement perçu comme un rappeur, et que l’idée d’avancer en poète insaisissable, fantomatique, lui semblait être la meilleure façon de refléter son état d’esprit. Mais il n’est pas resté longtemps secret. Dès la sortie de son premier album en 2011, Peanut Butter Blues & Melancholy Jam, la presse s’emballe, tant et si bien qu’il se retrouve nommé pour le prestigieux Mercury Prize, qui reviendra finalement à PJ Harvey. Il figurera à nouveau en 2015 dans la sélection finale de la convoitée récompense, mais s’inclinera cette fois face à un autre musicien atypique et avec lequel il partage un même goût pour les chemins de traverse: Benjamin Clementine.

Son nouvel album « Dark Days + Canapés » s’ouvre sur «One More Sip», un morceau anxiogène qui évoque les déstructurations électro d’Aphex Twin et pourrait sans problème servir à illustrer l’un ou l’autre des films labyrinthes de David Lynch. Après cette minute trente de chaos, comme pour assommer d’emblée l’auditeur, «Many Moods At Midnight» enchaîne sur la même noirceur, mais tisse une mélodie empruntant autant au rock qu’au blues. Puis vient le faussement apaisé «Trouble + Me», un titre tout en faux-semblant dont l’apparente sécheresse ne saurait dissimuler le génie d’un compositeur tout bonnement inclassable. Ecouter Ghostpoet, c’est se prendre claque sur claque, ne plus savoir si on écoute du rock, de l’électro, du rap ou du trip-hop, voire, parfois, du jazz.